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  • Pauline Savéant

En parlant de portrait...

Des visages, des bustes ou des corps ; peints, dessinés ou photographiés… vous l’aurez compris, cette semaine dans « Portraits », je vous parle de portraits. Selon, l’historien des idées Tzvetan Todorov, il s’agit d’une « image représentant un ou plusieurs êtres humains qui ont réellement existé, peint de manière à transparaître leurs traits individuels ». Cette définition fait appel à une vision classique ou traditionnelle de cette discipline artistique. Mais loin d’être un genre complètement figé, le portrait est déclinable quasiment à l’infini !


Le portrait positionne des corps


Un visage de face, de trois quart, ou de profil : le portrait en buste est sans doute la première forme qu’il nous vient à l’esprit lorsque l’on évoque le portrait peint. Ceux en pied sont généralement bien connus du grand public. C’est sans doute parce que les rois, empereurs et chefs d’Etat se font traditionnellement représenter dans cette position.

Portrait de Monsieur Fournaise, le propriétaire de la ginguette sur les bords de Seine où les impressionnistes se réunissaient.  Renoir y a réalisé une trentaine de toiles, dont des portraits de la famille  Fournaise.

Monsieur Fournaise, Pierre-Auguste Renoir, 1875

Portrait du roi en habit de sacre. Ce tableau a servi de modèle pour ceux destinés aux cours étrangères et à des personnalités.

Louis XVI, roi de France et de Navarre, Antoine-François Callet, 1775

Le genre ne se limite pas à la représentation d’un seul individu. L’histoire de l’art regorge de portraits de groupe. Certains touchent à la sphère intime : un couple, une fratrie, une famille... Le portrait de famille prend la forme qui nous est coutumière aux périodes médiévales et modernes. Il devient un passage obligé pour tous les membres des élites économiques et culturelles. Et cette tradition perdure au XIXe siècle avec l’invention de la photographie. Les aspirations restent globalement les mêmes, ce n’est que le médium qui change. Cela participe pourtant à sa démocratisation : les moins aisés peuvent désormais faire réaliser leur propre portrait de famille.

Photographie d’une famille française nombreuse au début du XXe siècle. Les protagonistes se sont bien habillé et posent pour l’occasion.

Portrait de la famille Larminat, anomyme, vers 1900-1909

Portrait en pied d’un couple d’une famille de marchands italiens, représenté dans un espace domestique. Il s’agit probablement du moment de leur mariage, comme en témoigne les mains jointes des deux protagonistes.

Les époux Arnolfini, Van Eyck, 1434

Le portrait a des aspirations diverses et variées

Qui dit portrait dit réalisme, mais pas forcément réalité. L’art peut avoir un message à faire passer, et le portrait ne déroge pas à la règle. A la question « pourquoi faire un portrait ? » la réponse est loin d’être univoque. Je vous propose donc une liste non exhaustive des raisons pour lesquelles un portrait peut être réalisé.

  • Les portraits posthumes, ou post-mortem, en l’honneur de la mémoire du défunt. Ils peuvent créer l’illusion du vivant, témoigner d’un événement important de sa vie ou tout simplement se souvenir de l’image du défunt.

Figure emblématique de la Révolution, Marat est assassiné dans son bain par Charlotte Corday, une proche des milieux girondins. Le portrait est commandé par Guirault, porte-parole de la section du Contrat social. La composition vise à sacralisé l’image du martyre révolutionnaire.

Marat assassiné, David, 1793

La pratique est très répandue en Europe à la fin du XIXe siècle. Ces photographies post-mortem sont commandées par les familles en deuil, et sont souvent la seule image qu’ils conservent du défunt (surtout lorsqu’il s’agit d’un enfant). La mise en scène est très importante car elle permet de donner l’illusion du vivant.

Anonyme, sans titre, non datée

  • Les portraits officiels de chefs d’Etat qui sont souvent en lien avec une politique de propagande ou de culte de la personnalité. Ces derniers sont dans tous les cas à analyser en fonction d’un contexte politique, historique et géographique particulier.

C’est un grand portrait d’apparat, qui serait en fait un montage. En effet, c’est une représentation du roi avec un corps de jeune homme mais un visage âgé (illustration des deux corps du roi). Le portrait a été copié et diffusé dans les autres cours européennes. Il est considéré comme l’archétype des portraits officiels.

Louis XIV en costume de sacre, Rigaud, 1701

Il s’agit du portrait du président de la République affiché dans toutes les mairies de France. Cette photographie a beaucoup fait parler car elle montre qu’Emmanuel Macron fait très attention à son image, et que tout est calculé dans les moindres détails.

Portrait officiel du Président Macron

  • La caricature ou le « portrait charge » sert à dénoncer et souligner des défauts. L’aspiration est humoristique ou polémique.

Caricature publiée dans le journal satirique La Caricature. Le motif de la poire est assez énigmatique pour les historiens. Elle fait surement référence à la politique du « juste milieu » menée par le roi et son ministre Guizot. Cela peut être aussi une manière de se moquer du profil bourgeois.

Portrait caricatural de Louis-Philippe Ier, Charles Philipon, 1831

  • L’autoportrait et le portrait psychologique : il s’agit de rendre compte de la personnalité du modèle ou du peintre lui-même. Le portrait exprime alors des sentiments, des émotions.

Portrait d’un homme hurlant dans une cage transparente, créant une atmosphère d’angoisse. L’artiste essaye de mettre en lumière la solitude de l’être humain.

Etude pour un portrait, Francis Bacon, 1949

L’expression de son visage est assez neutre. Mais Frida Kahlo donne une symbolique à chaque objet qui l’entoure. Par exemple, au Mexique le colibri est un gage d’amour. Or sur ce tableau il est représenté mort.

Autoportrait avec collier d’épine et colibri, Frida Kahlo, 1940

Le portrait se renouvelle continuellement

Certains historiens de l’art évoquent la « tradition » du portrait dans l’art occidental. Les nouveaux artistes empruntent, s’inspirent, reprennent les thèmes, les techniques et les genres des anciens. Ils s’inscrivent donc dans la continuité de l’histoire de l’art. Les artistes contemporains tout en rendant hommage à leurs prédécesseurs, parviennent à renouveler la discipline.


Cet artiste colombien a développé un style à part. Ses personnages sont « gros » avec une expression stoïque. Il s’est fait connaître avec la reprise de tableaux de grands maîtres. C’est justement sa réinterprétation de la Joconde qui a permis à sa carrière de décoller.

La Joconde selon Fernando Botero, 1963

Cette toile fait partie de la série « Made in Japan ». Il traite les sujets d’une manière très proche du pop art : il emprunte les couleurs criardes et l’esthétique publicitaire sur un modèle classique de l’art occidental.

La grande odalisque selon Marcel Raysse, 1964


Le portrait s’est réinventé d’abord avec de nouveaux médiums : la photographie, le numérique, la vidéo. C’est parce qu’au XXe siècle l’art tend de plus en plus à quitter l’espace du musée, et de ne plus se rester dans la limite de la toile ou du tableau comme une fenêtre ouverte, que les supports se sont multipliés. Le portrait du XXIe siècle peut prendre alors corps sur les nouveaux médias, dont les atouts sont l’instantanéité, la rapidité, la multiplicité. Lorsqu’il s’expose la rue, il véhicule des messages pour sensibiliser le plus grand nombre.


JR accompagné de son collègue Marco, a photographié des travailleurs en leur demandant de faire des grimaces. L’originalité du projet ? Ils se trouvent en territoire israélo-palestinien. Les portraits sont ensuite affichés sur les murs séparant les deux territoires, en juxtaposant une photo d’un israélien et celle d’un palestinien. Le but est de faire comprendre à ces hommes qu’ils sont pareil…

Face 2 face, JR, 2007

Cette exposition présente une série de portraits. L’artiste a récupéré les photographies sur Instagram en faisant des captures d’écran. Il utilise donc des images qui ne lui appartiennent pas et il les vend comme n’importe quel objet d’art. C’est notre utilisation des réseaux sociaux qui est questionnée ici, ainsi que la possibilité d’utiliser l’image d’une personne…

New Portraits, Richard Prince, 2014

La définition même du portrait est parfois remise en cause par les artistes qui questionnent les techniques, le rapport au réel ou l’idée d’unicité de l’œuvre. Le portrait est sans cesse déconstruit et reconstruit sur des nouvelles bases. Et cela donne à penser que les artistes continueront à décliner ce genre à l’infini !

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