Connaissez- vous « Marre du rose », « Sang Tabou » ou encore « Osez le clito » ? Toutes ces campagnes sont des initiatives lancées par l’association Osez le féminisme ! Cette organisation, se définissant comme universaliste et progressiste, est implantée partout en France et mène une lutte permanente contre les inégalités femmes/hommes.
Le féminisme se résumait dans mon esprit aux slogans des luttes passées et aux actions médiatisées, dont les plus frappantes sont celles menées par les Femen. Je souhaitais comprendre comment la lutte pour l’égalité femmes/hommes se mène aujourd’hui au plus près des citoyennes et des citoyens, avec des initiatives locales et des campagnes de sensibilisation de proximité. Je voulais rencontrer ces femmes qui mènent des actions dans nos villes et nos régions. Me voilà donc à Aix-en-Provence au pied de la statue du Roi René à l’occasion des journées du patrimoine. En parallèle de ce week-end où l’Europe rend hommage à « l’héritage des pères », Osez le féminisme 13 organisait un parcours du matrimoine dans le centre-ville d’Aix. Cette initiative a déjà fait ses preuves à Montpellier et Paris les deux années précédentes.
J’ai suivi le groupe dans divers lieux de la ville pour parler de jeunes femmes oubliées dans la mémoire culturelle d’Aix-en-Provence. Certaines d’entre elles ont joué un rôle important dans l’histoire de France et dans la lutte pour le droit des femmes. Par exemple, nous sommes allés au Palais de Justice où a eu lieu le « procès du viol » de 1978. L’avocate des deux jeunes femmes violées, Gisèle Halimi, a participé au changement de statut du viol qui est depuis reconnu comme un crime. Devant l’hôtel de Simiane, ce sont les femmes de lettres qui sont mises à l’honneur. Pauline de Simiane a contribué à l’édition de la correspondance de sa grand-mère, Mme de Sévigney. Plus contemporain, l’auteure aixoise Louise Colet, qui pourtant a été honorée par de nombreux prix littéraires, n’est connue que pour sa liaison amoureuse et ses correspondances avec Gustave Flaubert.
Au-delà de ces découvertes, j’ai pu me rendre compte de la diversité des associations féministes dans les Bouches du Rhône. En effet, si les journées du matrimoine sont une idée lancée par Osez le féminisme, c’est le Collectif Femme 13 qui a organisé cette année l’évènement. Des représentantes d’autres associations étaient présentes : L’amical du nid, Forum Femme Méditerranée, mais également l’historienne Hélène Echinard, et la présidente du Collectif Femme 13 Daniela Lévy.
A la fin de la journée, j’ai pu échanger avec des membres d’Osez le féminisme pour découvrir leur vision du monde, de la condition des femmes aujourd’hui et les actions qu’elles mènent en ce moment dans notre département. Marie-Paule, professeure de SVT en classe préparatoire, milite depuis 5 ans au sein de l’association. Notre discussion a été enrichie par les témoignages d’autres militantes et de femmes intéressées par la cause féministe.
Pourquoi faut-il « oser » le féminisme ?
Quand l’association a été fondée en 2009, je pensais que les mouvements féministes étaient dans le creux de la vague, après les campagnes du MLF des années 1970. Nous avions vus des avancées juridiques et sociales importantes pour le droit des femmes. Et tout le monde pensait que puisque le mouvement était lancé, les choses allaient continuer à progresser naturellement. Ce n’était pas le cas. Le groupe de parisiennes qui a fondé l’association en 2009 appelait alors à revendiquer une nouvelle fois des droits pour les femmes. Il fallait oser revenir sur le devant de la scène pour continuer à militer.
Contrairement à d’autres associations qui mènent des actions en faveur des droits des femmes, le mot « féminisme » apparait dans le nom de votre organisation. Pouvez-vous me donner votre définition du féminisme et m’expliquer pourquoi il est important de mettre le mouvement en avant ?
Le féminisme est une idée « révolutionnaire » qui dit que les femmes ne sont pas des êtres inférieurs aux hommes. Dans le monde, elles sont mal considérées car les sociétés sont organisées selon un modèle patriarcal.
Aujourd’hui en France il y a une véritable contradiction entre l’idée fondamentale qu’il existerait une égalité femmes/hommes et ce qui se passe dans la vie de tous les jours (femmes battues, viols, inégalité des salaires…). Tout le monde est d’accord pour dire que cette inégalité est anormale mais quand on propose une action, on nous ressort l’excuse qu’il y a des choses plus importantes, plus graves ou plus prioritaires.
Une jeune militante de l’association intervient alors dans la discussion pour compléter la définition donnée par Marie-Paule.
Le féminisme c’est lutter pour l’égalité entre les sexes. Et ce n’est pas parce que ça commence par « femme » que ça ne s’adresse qu’à elles. Le mot « humanité » ne correspond pas qu’aux hommes ?! Il faut donc être fier du mot « féminisme » et il faut arrêter de se trouver des excuses : le féminisme c’est une lutte qui nous concerne tous.
Marie-Paule, que faites-vous dans la vie de tous les jours et dans votre travail pour l’égalité entre les femmes et les hommes ?
J’essaye de faire le plus possible des actions dans mon lycée parce que selon moi l’éducation nationale organise mal la mixité dans les filières d’orientation : certaines semblent être désignées pour les filles d’autres pour les garçons ! Je vais aussi être vigilante et surveiller les affiches que l’on peut trouver dans l’établissement, afin qu’elles ne comportent pas de message sexiste. Si c’est le cas, il ne faut pas hésiter à interpeller le proviseur.
Je pense qu’il faut dire aux jeunes qu’ils doivent oser dire stop aux remarques sexistes !
En ce moment Osez le féminisme ! mène une campagne nommée « Osez le clito ». Que pouvez-vous me dire à ce propos ?
Depuis le XVIIIe siècle, les femmes occidentales sont excisées dans leurs têtes (et pas dans leur corps comme dans certaines régions d’Afrique). C’est pendant ce siècle que le corps médical a découvert le clitoris, et il est tout de suite devenu un tabou parce que c’est un organe qui n’est là que pour le plaisir.
Il faut oser parler de la sexualité ! C’est important parce qu’il n’y a plus d’évolution dans les mentalités. Au contraire le plaisir dans la sexualité féminine régresse. Les films pornographiques les plus faciles d’accès présentent une sexualité violente où la femme est soumise aux fantasmes de l’homme. Quand on pense qu’aujourd’hui l’âge moyen du visionnage du premier porno est de 11 ans, il y a de quoi se poser des questions. Dès le plus jeune âge, les filles et les garçons sont mis en face de ce type de sexualité. C’est pareil avec les paroles libérées dans le rap contre lesquelles nous ne pouvons rien dire, sous couvert de la liberté d’expression.
Mais les militantes féministes savent que cette liberté d’expression est précieuse pour les combats qu’elles mènent aujourd’hui et pour ceux qu’elles auront à mener demain.
Pour plus d’informations sur Osez le féminisme et sur leur actualité :
Leur site internet http://osezlefeminisme.fr/
L’association est également présente sur les réseaux sociaux.