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Pauline Scié

Et si la virilité était aussi une arnaque ?

«Il y a un type d’homme viril stéréotypé qui s’ébrèche peu à peu dans le cinéma», confie Antoine de Baecque, historien du cinéma et contributeur de l’Histoire de la Virilité. Et si le cinéma est la représentation de la vie, la représentation de ce modèle d'homme viril se détériore t-elle peu à peu? Le terme d'« homme » reflète l'être humain, l'homme est le représentant d'une catégorie sociale, d'un peuple, ou d'une nation. Plus largement c'est le représentant de l'humanité. Le caractère sexué de l'homme n'apparaît alors que lorsque on le confronte à celui de la femme. En comparaison, il doit être l'anti-thèse de la féminité, ce caractère s'exprime par sa virilité. La virilité, ou masculinité sont des termes qui peuvent être définis comme un ensemble de qualités, ou de codes attribués culturellement aux hommes. Ces attitudes recouvrent l'aspect physique (vêtements, posture, etc.), tout autant que l'aspect psychologique (relation avec les autres, perception de soi, personnalité, etc.). Beaucoup de sujets ont déjà traité de cette question de virilité, de masculinité, du rapport qu'ont les hommes face à ces notions. PEPA a alors eu envie de discuter de cette notion qui est imposée par la société, de cette construction avec des garçons et des hommes qui constituent notre entourage. Il était intéressant de proposer un échange et d'évaluer si avec l'âge la perception de la virilité et les complexes liés à elle persistent ou s'estompent.


Sept hommes, âgés de 15 à 27 ans, ont répondu à notre questionnaire. Lycéen, étudiants, salariés, ils ont accepté d’exprimer et de discuter de leur vision de la virilité.


La construction d'un garçon passe par son environnement, la famille agit alors en premier lieu comme un modèle. C’est ce qu’explique Gaïd Le Maner-Idrissi, enseignant-chercheur en psychologie développement à l'université de Rennes : les enfants organisent leurs conduites en fonction de leur genre dès 3 ans. A la préadolescence, chacun a intégré les traits caractéristiques attribués aux femmes et aux hommes. Cependant, les différents sondés n'ont pas forcément remarqué de différences genrées dans leur éducation qu'ils aient des frères ou des sœurs, plus grands ou plus petits. On peut se demander si ce sentiment repose sur une réalité ou une imprégnation dans les mœurs de distinction genrée dont on ne fait plus le discernement. Pour avoir une réponse plus complète, l'avis des sœurs des sondés nous auraient peut-être permis de nous faire un point de vue plus exhaustif.

Robin souligne que ses parents l’ont éduqué dans l’optique de respecter l’équité dans les tâches ménagères. Jean et Louis(1) ont confié, quant à eux, que leurs grandes sœurs ont eu un rôle de modèle : d’un point de vue scolaire « elle travaille bien, mes parents me disent alors souvent "prend exemple sur ta sœur" », ou éducatif « elles n'ont pas eu la même éducation que moi car elles ont justement contribué à la mienne ».

Au-delà de la famille, c’est le cercle d'amis et la société qui constituent l’environnement. L'entourage, proche ou moins proche véhicule forcément une image comme l'admet Lucas(1). Jean partage cette opinion, et avoue même participer à la diffusion de ce modèle « sans grande fierté ». Cela passe pour lui par « charrier ses potes en les traitant de "pédale" ou autre ».

La société par différents supports incite à un modèle unique de virilité. Les journaux, les panneaux publicitaires, la télévision, les séries, les films ou encore les clips ont une grande influence. Elle est surtout prégnante quand on est plus jeune comme l'indique Adrien : « plus jeune, c'est la télévision qui m'a donné des modèles masculins que je continue encore aujourd'hui à suivre ».

C’est pendant la période de l’enfance, soit celle de la formation de l’individu, que nous sommes le plus sensible aux modèles exposés. Il est prouvé que les enfants qui regardent beaucoup la télévision se révèlent les plus à même d’adopter des attitudes stéréotypées.



A quoi l'injonction « d'être un homme » fait-elle référence ? C'est une construction culturelle d'impératifs corporels et mentaux. La virilité se perçoit par l'extérieur du corps, par la force et la puissance. On discrédite les hommes sensibles, émotionnels, car un homme ne doit pas montrer ses émotions. Plusieurs interrogés ont relevé l'injonction sociétale qui pèse sur les garçons de ne pas faire part de ses sentiments, comme Jean qui dit qu'être un garçon « m'empêche parfois d'être sincère à propos de mes sentiments, même si je me sais entourer de personnes qui seraient loin de s'en moquer ou de ne pas me prendre au sérieux, c'est inconscient ». La virilité c'est la capacité à se maîtriser, à se contrôler « Quand t'es un homme, tu prends des coups et tu ne pleures pas, tu serres les dents » nous dit Adrien. Cette construction qui se présente comme naturelle, a été intégrée dans l'inconscient. Ainsi Robin s'est empêché pendant longtemps de montrer ses émotions sans avoir été éduqué comme cela, mais parce que l'école, ses amis prônaient cette idée.

Face à la puissance que les hommes doivent représenter, il existe l'idée de prouver sans cesse sa place par peur de ne pas être viril, de ne pas être un « vrai homme ». Ce statut qui n'est jamais acquis est un devoir contraignant. Il finit par être une oppression pour Lucas : « pendant l'adolescence les garçons peuvent parfois ressentir une pression vis à vis du regard des autres qui peut les empêcher de faire ce dont ils ont envie ».


Leur genre peut être un frein et les empêcher de faire certaines choses. Même si cinq des sept hommes nous ont répondu que cela n'avait pas d'impact, en approfondissant les questions ils relèvent des « interdits » implicites qui peuvent mener au jugement ou à la confrontation. Par exemple, Pierre et Robin qui travaillent tous les deux dans le domaine de la petite enfance ont déjà subi des réflexions quant au caractère « féminin » de leur métier. Ce sont des regards ou des remarques étonnées qu’ils rencontrent parfois. Et dans des cas plus extrêmes, certaines personnes sous-entendent qu’ils sont homosexuels ou pédophiles. D'après le site des pros de la petite enfance « les hommes représentent entre 1,3 % et 1,5 % des effectifs du secteur, et 3 % dans les structures collectives (lieux d'accueil de jeunes enfants – EAJE - et écoles maternelles) ». Ce manque de mixité est dû à plusieurs facteurs mais notamment les stéréotypes qui visent les hommes ayant choisi cette formation et dont Robin et Pierre ont fait l'expérience. Il existe beaucoup de métiers qui sont « féminisés » et peu ouvert aux hommes. Ce sont généralement des métiers qui font appel à certaines qualités tel que l'empathie, l'écoute, ou encore la douceur. Par opposition, un bon nombre sont « masculinisés » et font appel à des qualités d'ordre physique.



Lors de son travail dans l'animation, Pierre a remarqué des différences entre les sexes. Il avoue qu’inconsciemment il a contribué à ces schémas. Par exemple, dire qu'une petite fille a de jolies chaussures, alors qu'un garçon a des chaussures qui lui permettent de courir vite. Ou que si une fille pleure c'est parce que c'est une fille, alors que si un garçon se met à pleurer c'est qu'il s'est passé quelque chose. Ces traitements différents entre un petit garçon et une petite fille sont le signe des caractères supposés masculin et féminin. Alors que la féminité a été définie d'abord par la fonction reproductive de la femme, la virilité a été construite en contraste par rapport à la définition de la femme. Elle est caractérisée par son impuissance et ses manques, l'homme doit alors en comparaison être « fort, audacieux, entreprenant » d'après Cabanis, médecin, philosophe et député français du XVIIIe siècle.



Pour finir, chacun nous a donné sa propre définition de la virilité. Celle-ci se compose d'abord d'un aspect physique :

« La virilité passe surtout par la barbe et la musculature. On différencie un garçon d'un homme par ses poils et sa largeur d'épaule. »

« Le physique joue sa part dans la mesure où quelqu'un de grand et fort est plus à même d'inspirer la sécurité, voire la menace. »

Aspect auquel on rajoute des injonctions mentales : « savoir dissimuler ses faiblesses en public, montrer qu'on a confiance en soi et qu'on peut assurer pour les autres. »

La virilité a été défini comme un trait masculin, d'abord comme une « image que la société donne à l'homme », « un état qui définit un homme, et qui en plus de caractéristiques physiques et mentales, est liée à la sexualité », puis comme « une manière d'agir comme un « vrai » homme dans notre société dans son état archaïque ; en opposition à tous les traits de caractères communément associés à la femme ». Mais, le plus jeune des interrogés à lui répondu qu'« être viril c'est quelqu'un de fort, charismatique, quelqu'un qui n'a pas peur », sans aucune précision du genre.

Ce terme de « genre » est pour Fabien instrumentalisé et a une connotation négative. D'après la définition des sciences humaines, le genre fait référence à une construction sociale produisant des rôles sociaux, des conventions culturelles hiérarchisant les hommes et les femmes. Mais depuis quelques années ce terme est repris en politique lors de débats sociaux, et rend ce terme politisé. La seconde remarque de Fabien concernait le terme de « virilité ». Il a tenu à faire une différence entre la virilité et la masculinité, « j'ai un souci avec le mot "virilité" parce qu'on est en 2018 et que le terme n'a plus de valeur dans la jeunesse actuelle. Le terme de masculinité est mieux choisi ». Mais plus encore entre "la virilité" et "être un homme" qui n'appellent pas les mêmes réflexions, « quand tu utilises les mots virilité / masculinité ça sous-entend un point de vue sociétal. Alors qu' "être homme" ça fait appel au ressenti, aux avis personnels ».


L'intérêt du questionnaire était de savoir s'ils avaient déjà eu une réflexion sur cette notion de virilité, et à quelle occasion. Les deux plus jeunes ont répondu qu'ils n'y avaient pas vraiment pensé. Pour les autres réponses, elles ont été plus contrastées. Pour Robin et Pierre, la question leur a été posée lors de concours ou de stages. Si le premier ne s'était pas vraiment posé la question, le second a commencé à y réfléchir il y a 6/7ans alors qu'il était en classe préparatoire aux concours d'Educateur de Jeunes Enfants. Jean, de son côté, a répondu y réfléchir parfois au quotidien, sans forcément en parler ou le partager. Fabien et Adrien ont confié avoir réfléchi à cette notion après avoir lu les questions. Pour Adrien, le questionnaire lui a permis de penser à sa définition personnelle de la virilité sans chercher à connaître le point de vu d'autres personnes. Mais avant cela, il avait considéré cette notion quand il a commencé à draguer en se demandant comment les femmes percevaient la virilité pour draguer plus facilement. La virilité est alors en construction permanente selon l'âge, l'entourage et le quotidien. Elle conditionne tout autant que la féminité nos expressions et comportements, ainsi comme l'a repris Simone de Beauvoir « on ne naît pas homme on le devient ».



 

Le titre fait référence à la citation de Virginie Despentes, auteure et réalisatrice: "Cette histoire de féminité c'est de l'arnaque".



(1) Les prénoms ont été modifiés pour garder l'anonymat des personnes interrogées




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