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  • Pauline Scié

Le temps d'un portrait

Le temps comme substance se manifeste de diverses manières chaque jour. Les phases de la lune, le lever et coucher du soleil sont des phénomènes temporels qui marquent en premier notre quotidien. Alors que notre rythme de vie se calque sur les cycles naturels, l'heure d'été et d'hiver viennent deux fois dans l'année chambouler notre rapport au temps.


Ce milieu indéfini et homogène dans lequel se situent les êtres et les choses est caractérisé par une nature double : le temps est à la fois une continuité et une succession. Il se caractérise par une durée indéterminée et continue qui s'apparente au cours d'une vie à des expériences uniques.

Sa conscience se vit par le corps, les premières dents, les premiers pas. Mais aussi, l'apparition de rides, la chute des cheveux, leur blanchiment ou encore la ménopause. Ces événements apparaissent alors comme des marqueurs temporels, comme un rappel du temps. Ces phénomènes sont des marqueurs d'âges spécifiques de la vie.

Son apprentissage passe par sa lecture, par son calcul. Le temps classé de la seconde à l'année, de la semaine au semestre, chaque moment est compartimenté. Entre temps de travail, temps personnel, temps consacré à l'éducation ou au plaisir, il est enfermé dans un système.

Son vécu inspire, dans le film L'effrontée de Claude Miller comme une ode à la longueur, ou dans le roman La Lenteur de Milan Kundera. Au cœur des réflexions, c'est un dialogue permanent entre un âge consommé et des projets en devenir.


Dans la société rurale du XIXe siècle, les témoins du temps sont concrets. Le déroulement de la journée se marque par la hauteur du soleil ou par le son des cloches. Les horloges publiques sont peu nombreuses, les montres sont des objets coûteux. L'année est marquée par l'alternance des cycles des travaux, des fêtes et de repos. Le temps est imprécis, élastique, certaines fêtes se déplacent mais il reste répétitif, tout revient régulièrement.

Au quotidien, le temps est synonyme de lenteur. Les gestes du travail se calquent sur les rythmes de la respiration. Manger se fait lentement, la nourriture est dure, les gens ont de mauvaises dents. Il existe tout un rapport au temps qui valorise la patience ce qu'on retrouve dans le vocabulaire : on parle des « temps morts » pour désigner les temps de repos ou il existe encore différents proverbes comme « qui va lentement va sûrement ». La majorité des trajets s'effectue à pied, le pas est facilement ralenti à cause des routes de mauvaises qualités, ou des charges que les personnes transportent. Le temps est ainsi parfois un marqueur de distinction sociale, pouvoir se déplacer rapidement induit un privilège. L'arrivée et la démocratisation du train va développer un nouveau rapport au temps. L'unité de mesure ne sera plus le jour, le temps va être mécanisé, découpé.


Le temps agit comme le reflet d'une société par la manière dont il est appréhendé et compris. Sa perception ne serait donc pas la même suivant les pays, les populations, les âges. Que l'on soit jeune ou âgé, que l'on travaille ou que l'on dispose d'un moment pour soi, le vécu ne sera pas le même. L'anthropologue américain Edward T. Hall, dans son œuvre La Danse de la vie : temps culturel, temps vécu de 1984, définit dans le chapitre « Catégories de temps et relativités culturelles » deux modèles d'organisation du temps. Un « monochrone », le second « polychrone ».

Le premier est déterminé par une conception linéaire du temps. Cette vision est plus courante en Europe du Nord ou en Amérique du Nord, et les individus considèrent alors le temps comme une donnée certaine, panifiable et contrôlable. Le temps devient alors un moyen. Ce point de vu mène à établir des priorités d'après Edward Hall, « On traite d’abord les affaires importantes, en y consacrant la plus grande partie du temps disponible, et en dernier lieu seulement les affaires secondaires que l’on néglige ou abandonne si le temps manque ».

Le deuxième se caractérise par une conception du temps comme un point, et non pas une ligne. Le plus important est l'accomplissement des tâches et non le respect des horaires. Cette culture « polychrone » se retrouve dans les sociétés méditerranéennes. Le temps a une valeur plus symbolique, il n'est jamais perdu, ainsi « rien n’est solide ou ferme, en particulier les projets que l’on établit pour le futur ; même des projets importants peuvent être modifiés jusqu’à la dernière minute » pour Edward Hall.


Les deux systèmes ont une logique qui diffère, chacune ayant des avantages et des inconvénients. Qu'il soit conçu comme une ligne rectiligne ou comme une ligne entourant un cercle, symbole d'une évolution continue ou au contraire d'une répétition, d'un retour aux origines, chacun se construit sur un modèle. Le temps est une expression culturelle, il est le produit d'une société, de son organisation et de ses valeurs. Ces modèles sont toutefois souples, se croisent dans certains pays, se confrontent dans certaines circonstances. La seule vérité concernant le temps est alors qu'il est une notion multiple :


« Tout ne peut se plier à une simple description linéaire, le temps, par exemple. L'erreur la plus grave, concernant le temps, est de le considérer comme une réalité simple. » Edward Hall.

 

Credit image: La persistance de la mémoire de Salvador Dali, 1931

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