Des visages, des bustes ou des corps ; peints, dessinés ou photographiés… vous l’aurez compris, cette semaine dans « Portraits », je vous parle de portraits. Selon, l’historien des idées Tzvetan Todorov, il s’agit d’une « image représentant un ou plusieurs êtres humains qui ont réellement existé, peint de manière à transparaître leurs traits individuels ». Cette définition fait appel à une vision classique ou traditionnelle de cette discipline artistique. Mais loin d’être un genre complètement figé, le portrait est déclinable quasiment à l’infini !
Le portrait positionne des corps
Un visage de face, de trois quart, ou de profil : le portrait en buste est sans doute la première forme qu’il nous vient à l’esprit lorsque l’on évoque le portrait peint. Ceux en pied sont généralement bien connus du grand public. C’est sans doute parce que les rois, empereurs et chefs d’Etat se font traditionnellement représenter dans cette position.
Monsieur Fournaise, Pierre-Auguste Renoir, 1875
Louis XVI, roi de France et de Navarre, Antoine-François Callet, 1775
Le genre ne se limite pas à la représentation d’un seul individu. L’histoire de l’art regorge de portraits de groupe. Certains touchent à la sphère intime : un couple, une fratrie, une famille... Le portrait de famille prend la forme qui nous est coutumière aux périodes médiévales et modernes. Il devient un passage obligé pour tous les membres des élites économiques et culturelles. Et cette tradition perdure au XIXe siècle avec l’invention de la photographie. Les aspirations restent globalement les mêmes, ce n’est que le médium qui change. Cela participe pourtant à sa démocratisation : les moins aisés peuvent désormais faire réaliser leur propre portrait de famille.
Portrait de la famille Larminat, anomyme, vers 1900-1909
Les époux Arnolfini, Van Eyck, 1434
Le portrait a des aspirations diverses et variées
Qui dit portrait dit réalisme, mais pas forcément réalité. L’art peut avoir un message à faire passer, et le portrait ne déroge pas à la règle. A la question « pourquoi faire un portrait ? » la réponse est loin d’être univoque. Je vous propose donc une liste non exhaustive des raisons pour lesquelles un portrait peut être réalisé.
Les portraits posthumes, ou post-mortem, en l’honneur de la mémoire du défunt. Ils peuvent créer l’illusion du vivant, témoigner d’un événement important de sa vie ou tout simplement se souvenir de l’image du défunt.
Marat assassiné, David, 1793
Anonyme, sans titre, non datée
Les portraits officiels de chefs d’Etat qui sont souvent en lien avec une politique de propagande ou de culte de la personnalité. Ces derniers sont dans tous les cas à analyser en fonction d’un contexte politique, historique et géographique particulier.
Louis XIV en costume de sacre, Rigaud, 1701
Portrait officiel du Président Macron
La caricature ou le « portrait charge » sert à dénoncer et souligner des défauts. L’aspiration est humoristique ou polémique.
Portrait caricatural de Louis-Philippe Ier, Charles Philipon, 1831
L’autoportrait et le portrait psychologique : il s’agit de rendre compte de la personnalité du modèle ou du peintre lui-même. Le portrait exprime alors des sentiments, des émotions.
Etude pour un portrait, Francis Bacon, 1949
Autoportrait avec collier d’épine et colibri, Frida Kahlo, 1940
Le portrait se renouvelle continuellement
Certains historiens de l’art évoquent la « tradition » du portrait dans l’art occidental. Les nouveaux artistes empruntent, s’inspirent, reprennent les thèmes, les techniques et les genres des anciens. Ils s’inscrivent donc dans la continuité de l’histoire de l’art. Les artistes contemporains tout en rendant hommage à leurs prédécesseurs, parviennent à renouveler la discipline.
La Joconde selon Fernando Botero, 1963
La grande odalisque selon Marcel Raysse, 1964
Le portrait s’est réinventé d’abord avec de nouveaux médiums : la photographie, le numérique, la vidéo. C’est parce qu’au XXe siècle l’art tend de plus en plus à quitter l’espace du musée, et de ne plus se rester dans la limite de la toile ou du tableau comme une fenêtre ouverte, que les supports se sont multipliés. Le portrait du XXIe siècle peut prendre alors corps sur les nouveaux médias, dont les atouts sont l’instantanéité, la rapidité, la multiplicité. Lorsqu’il s’expose la rue, il véhicule des messages pour sensibiliser le plus grand nombre.
Face 2 face, JR, 2007
New Portraits, Richard Prince, 2014
La définition même du portrait est parfois remise en cause par les artistes qui questionnent les techniques, le rapport au réel ou l’idée d’unicité de l’œuvre. Le portrait est sans cesse déconstruit et reconstruit sur des nouvelles bases. Et cela donne à penser que les artistes continueront à décliner ce genre à l’infini !