Qui suis-je ? Question existentielle, philosophique, ancrée dans le réel. A travers chacun de nos pas nous nous questionnons sur notre but, sur notre existence, sur nous même... L'idée de savoir qui l'on est occupe une part importante de nos vies. De la période de l'adolescence où l'on se construit, aux périodes de doutes (tel que la crise de la vingtaine), l'objet de notre identité vacille et n'est jamais complètement figée. Tous, des spécialistes au grand public, se passionnent pour cette question.
Rattaché à un lieu, à un temps, à des origines ou à des goûts, chacun se distingue par des caractères propres. Et alors, qu'il ne semble pas y avoir de notion plus intime et personnelle que le moi, les chercheurs et théoriciens des sciences sociales arrivent à généraliser et suggérer l'identité.
D'après les sociologues interactionnistes, l'identité naît des interactions sociales. Ainsi, ce n'est pas une propriété figée mais le fruit d'un processus constant dépendant d'un contexte et d'un environnement. Claude Dubar, sociologue français distingue deux caractères dans la notion d'identité, celle « pour soi » et celle « pour autrui ». La première renvoyant à l'image qu'on se fait de soit même, la deuxième à la construction de l'image qu'on veut donner aux autres.
Face à une identité « personnelle » se joue des identités collectives qui prennent forme dans des groupes communautaires de petites (famille, travail, groupe d'amis) à grandes échelles (nation, religion, ethnie).
Une idée redondante dans la construction de l'identité est le passage obligé par l'étape du conflit. A l'instar du conflit entre le Ça, le Moi et le Surmoi pour Freud. Ou bien la naissance de l'identité à travers un processus conflictuel où se construisent des interactions individuelles, des pratiques sociales pour Georg Hegel. Dans Stigmate. Les usages sociaux des handicaps de 1975, Erving Goffman élabore la même idée que les sociologues interactionnistes ; « L'individu se sert pour édifier son image de lui-même des mêmes matériaux que les autres ont déjà utilisés pour lui bâtir une identification sociale et personnelle. Il n'en reste pas moins une grande liberté quant au style de la construction ». L'identité d'un individu s'élabore par le jeu des interactions et résulte de l'opposition entre une identité définie par autrui et une identité pour soi.
« L'identité » est multiple, et correspond à diverses significations. Utilisée au singulier elle est pourtant plurielle. Les contextes, acteurs, situations, enjeux et lectures sont autant de données qui sont impliquées dans l'identité et la modifient. En abordant ce thème, on peut en employant le même terme, tour à tour, se référer à différentes identités : sociale, économique, politique, communautaire, culturelle, professionnelle, ethnique, spirituelle, ressentie ou bien encore virtuelle. En utilisant les réseaux sociaux nous nous bâtissons une nouvelle identité. En choisissant, modifiant nos photos et nos souvenirs, en suivant ceux qui nous inspirent, ce que l'on donne à voir peut être faussé. Ainsi, selon le sujet abordé et le contexte de référence, l'image renvoyée change alors du tout au tout. Face à la vision du « je », se confronte la vision des autres. Notre image est façonnée aussi pour placer un individu à l'intérieur d'un groupe social, de la société. C'est pourquoi, parfois, notre identité ne se résume qu'à un trait, à un mot.
Chacun se construit dans le temps et utilise le passé, le présent et le futur comme autant de bornes permettant une mise en perspective de son parcours. La définition de soi se développe selon une certaine stabilité. Il arrive parfois que des différences deviennent trop importantes, et elles sont alors perçues comme des ruptures. À ce moment là, « s'ouvrent les crises d'identité » pour Alex Mucchielli comme il l'explique dans L'identité. Cet événement peut toucher les individus comme les sociétés qui traversent parfois des « crises identitaires ». Dans ce cas là, l'identité nationale entre en jeu. Entre « eux » et « nous » des groupes sont composés. La question du « moi » qui n'avait alors pas cette importance devient le centre des débats. C'est ce qui, de nos jours, anime la majorité des discours politiques.
Au contraire, l'identité nous permet dans certaines situations de nous intégrer. Que ce soit parce qu'on s'identifie à un groupe, à une cause, ou que l'on reconnaît quelque chose/quelqu'un et qu'on arrive à le catégoriser.
En fonction de l'angle choisi, de la discipline utilisée, correspond une approche spécifique pour cerner l'identité. Comme tout instrument elle peut être utilisée pour servir un propos et son contraire.
Anne de Rochechouart de Montemart, puis duchesse d'Uzès après son mariage, peut être présentée comme une icône féministe. Elle est, d'après les médias du XIXe siècle, la première femme a avoir obtenu son permis de conduire, la première verbalisée pour un excès de vitesse, et fonde en 1926 l'Automobile Club féminin malgré les préjugés masculins sur la pratique féminine de la conduite. Veuve, elle vit confortablement, sculptrice, écrivaine, musicienne, elle adopte beaucoup de rôles et a une grande influence dans la société française.
D'un autre côté, politiquement, elle a des idéaux plus réactionnaires. Elle finance, à partir de 1887, les activités politiques de Georges Boulanger dans l'espoir qu'il rétablirait la monarchie. Elle soutiendra au début du XXe siècle, la Fédération nationale des Jaunes de France dont l'idéologie est celle de la collaboration de classes, et l’antisémitisme.
Passionnée de chasse, elle est la première femme nommée lieutenant de louveterie. Cette fonction est celle d'officier public qui était réservé aux hommes réputés les plus aptes à capturer les loups. Elle pratique sa passion tout en étant sensible à la cause animale au point qu'elle milita au sein de la Société protectrice des animaux.
Grâce à ce court portrait de la personnalité de la duchesse d'Uzès, on se rend compte que l'identité d'une personne ne se résume pas à un simple aspect. Mais aussi qu'il est aisé de mettre en valeur une seule caractéristique d'un personnage afin d'appuyer son propos. Que ce soit pour des raisons idéologiques, politiques, ou sociales on peut mettre en avant des moments de la vie de la duchesse. Ce faisant, on utilise une partie de son identité. Cette dernière dans ce cas là, est alors totalement pour autrui et n'a « pas de nature, mais seulement des usages » comme le livre Bernard Lepetit à propos des identités sociales dans Les Formes de l'expérience. Une autre histoire sociale, 1995.
L'identité est plus qu'un seul mot, c'est une notion difficile à résumer car elle s'avère loin d'être constante. C'est une idée qui est toujours en évolution ce qui la rend difficile à contenir. Malgré ce caractère imperméable, on a parfois l'impression d'être catégorisé, par les autres, parfois par nous même qui nous cachons derrière des mots, des étiquettes. Sous la définition stricte de ce concept, le terme a divers sens : celui de la similitude, de l'unité, ou de l'authentification. L'identité renvoie à diverses échelles : personnelle, culturelle, ou bien encore nationale. Et ce qui semble être au premier abord, notre simple définition et connaissance de nous même, peut vite devenir un nous piégeux et catégorique.