Les objets informatiques se sont démocratisés pour des usages domestiques. Aujourd’hui, il y a en moyenne 6,4 écrans par foyers. Or, tablettes, ordinateurs ou autres smartphones impliquent un usage personnel des services, contrairement à un téléviseur. Ces écrans se ressemblent sur certains points mais impliquent des utilisations totalement différentes sur d’autres. Ils peuvent avoir la même fonction, comme s’informer sur l’actualité, mais la manière de faire est totalement différente.
Téléviseurs et écrans mobiles : deux mondes s’opposent ?
La plupart du temps, la télévision se regarde en groupe, en famille ou entre amis. On aime se retrouver autour d’un même et unique programme. Il est possible de réagir ensemble, faire part de notre ressenti dans l’optique de passer un bon moment. Le téléviseur depuis la période des Trente Glorieuse et la naissance de la société de consommation a pris une place de choix dans les maisons et appartements de la majorité des citoyens. Pendant de nombreuses années, il a été un objet central de la pièce à vivre.
Mais ce dernier est beaucoup plus mobile qu’il en a l’air ! En effet, il y a plein d’occasion de regarder la télévision en dehors de son domicile, elle nous suit un peu partout. C’est une expérience que l’on vit au quotidien sans peut être s'en rendre vraiment compte. La télévision est régulièrement présente dans les bars, boulangeries, cafés qui diffusent l’actualité grâce aux chaînes d’information en continue. Certains restaurants, pubs ou autres ont souvent des téléviseurs pour les programmes des chaînes de clips musicaux. Et n’oublions pas les quelques moyens de transports équipés de ces écrans. Certaines personnes sortent délibérément de chez elles pour aller regarder la télévision dans des lieux publics et ainsi profiter de l’effet de groupe. En effet, quoi de mieux que de profiter de l’effervescence d’une compétition sportive tous ensemble !
Face aux téléviseurs nous retrouvons smartphones, tablettes et ordinateurs qui impliquent une tout autre position face aux programmes de télévision. L’usage en est beaucoup plus personnel. Tout simplement, car la taille ne facilite pas un visionnage en groupe. De nombreuses personnes regardent leurs programmes sur leurs smartphones seules et dans les pièces de la maison qu’elles souhaitent. Nous n’avons pas la même posture face à l’écran fixe du salon familial parce qu’il se trouve entre nos mains. Ces écrans nous suivent vraiment partout : cuisine, chambre, salle de bain et aux toilettes pour certains ! L’usage personnel sous-entend encore plus d’instantanéité et de contrôle de celui ou celle visionnant le programme. C’est parce qu’il s’agit souvent d’une demande spécifique. Le spectateur veut regarder le programme de manière séquencée, c’est-à-dire le couper et le reprendre quand bon lui semble. Il peut également le regarder plusieurs fois grâce aux replays sur les sites internet des chaînes de télévision etc. En quelques sortes, l’attitude est beaucoup moins passive. Le programme télévisé est donc de moins en moins un rendez-vous comme il a pu l’être par le passé.
Dans tous les cas, nous parlons bien du visionnage de programmes télévisés, quel que soit l’écran utilisé. C’est bien là une constante. On ne regarde pas de moins en moins la télévision de nos jours. On la regarde autrement. Elle est simplement devenue une expérience multi-écrans.
Les réactions face à la nouveauté
Il ne faut pas avoir une vision binaire avec d’un côté l’esprit de partage lié à la télévision et de l’autre l’individualisme rattaché aux écrans mobiles. C’est une rhétorique souvent répétée par les détracteurs des nouvelles technologies, les défenseurs du « c’était mieux avant » ou « les jeunes de nos jours n’ont rien compris ». L’analyse de l’utilisation de ces multiples écrans peut être beaucoup plus fine est complexe.
D’abord, peut-on vraiment dire que le téléviseur est plus convivial que les autres objets de visionnage ? Il existait un discours faisant de la télévision un symbole de l’individualisme. En effet, le visionnage des actualités est entré dans la sphère privée, alors qu’auparavant les actualités étaient diffusées au cinéma. Il y a eu aussi la période des télé-clubs ruraux, avec un téléviseur pour tout un village, souvent installé dans les locaux scolaires. Si on se concentre sur ces réalités-là, il est clair que la télévision est un pas vers l’individualisme. Ces critiques ont abondé lorsque que la télévision était alors une nouvelle technologie, une nouvelle manière de « consommer » des images, ce qui peut sans doute expliquer certaines réactions. Et il se passe la même chose actuellement avec les écrans mobiles, internet, les réseaux sociaux… La nouveauté, le changement de mentalités et de comportements ne peuvent pas mettre tout le monde d’accord. Mais ces discours réfractaires cohabitent toujours avec les arguments de ceux défendant la nouveauté. Et cela ne concerne pas que le milieu des médias audiovisuels, bien au contraire.
Le mode de « consommation » des images audiovisuelles a changé avec l’arrivée d’Internet et des nouveaux appareils connectés. Le modèle télévisuel est forcément bouleversé : il correspond alors à des formes innovantes à propos de la disponibilité des vidéos. Sur Internet, il est aisé de trouver des vidéos amateurs ou professionnelles sur Youtube, les replays des programmes télévisés, des films postés sur des sites (légaux ou illégaux), des vidéos de types politiques, des vidéos spécialisées sur un thème particulier (la cuisine, le maquillage). En bref, il est possible de trouver de tout ! Ces contenus sont aisément regardables sur ordinateurs, tablettes et smartphones. Il n’y a plus ici de notion de fréquence ou de canal comme c’est le cas avec la traditionnelle télévision. Internet ouvre le champ des possibles en abolissant certaines « frontières ».
Le choix étant plus large, il permet au public de répondre à ses demandes individuelles plus facilement. Certes, cela encourage un visionnage individuel, mais il ne faut pas être réducteur. Le partage est possible et existe réellement. Certains ne le voient pas sûrement parce que les nouveaux codes ne sont pas envisagés, ils se réfèrent à d’anciens schémas d’analyse des médias. Le signe de ce partage est les espaces de discussion que forment les réseaux sociaux. Il est aisé de trouver des homologues pour discuter des programmes trouvés sur Internet ou vus à la télévision.
Il n’est pas question de ne soumettre aucun esprit critique à ces nouvelles manières de visionner les images et aux nouveaux appareils mobiles. Il ne s’agit aucunement d’accepter la nouveauté aveuglément. Par exemple, il faut mettre en garde contre l’utilisation des écrans par les très jeunes enfants. En effet, des études ont montré qu’ils peuvent être à l’origine d’un retard linguistique, de problème de concentration etc.
Il est vrai qu’aujourd’hui nous pouvons être très rapidement déroutés par tous ces objets connectés. Il y a une véritable continuité entre tous ces écrans : les chaînes télévisées sont disponibles sur smartphone, le contenu des ordinateurs et tablettes peuvent être diffusés à la télévision, les téléphones peuvent être connectés à des montres… Les images se multiplient dans votre espace privé comme dans l’espace public. Nous sommes invités à consommer leurs contenus : avec la publicité mais aussi des personnes de notre entourage qui peuvent vanter « les bienfaits » de ces technologies. Sans rejeter ces nouveaux comportements et types d’utilisation qui vont de pair avec l’évolution de nos sociétés, il est possible d’être critique et trouver quel est le juste usage pour l’utilisation qu’on en retire personnellement.