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Annabelle Bindl

Mais que deviennent les « petits partis » hors période d'élection ?



La politique en France donne vraiment cette impression de s'organiser en deux grandes périodes : les élections, où se profilent des dizaines de partis, de candidats, de visions de la société et de nouveaux espoirs pour la France, tant de possibilités accessibles seulement en glissant un bulletin dans une urne. Et puis il y a le reste de l'année, la majorité de votre vie en fait, où tout ce foisonnement politique laisse place à des luttes d'un autre temps entre la « gauche » et la « droite » ; ces deux ensembles flous qui vous donnent l'impression d'une diversité des opinions, de bien et du mal selon où vous vous placez. L'espoir démocratique de la période électorale devient un lointain mirage dans un désert politique. Deux ou trois partis majoritaires se dressent à l'Assemblée et se manifestent à coup de scandales et de primaires gagnées d'avance.

Pourtant, vous le savez, faire de la politique, ce n'est pas seulement espérer être élu. Tous ces partis, ces mouvements, ces citoyens porteurs de nouvelles idées que vous voyez apparaître une fois tous les cinq ans ne vivent pas que quelques semaines pour organiser les élections.



Des mouvements qui vivent au rythme des besoins des citoyens : l'exemple de Ma Voix


Pour comprendre cette disparition du champ politique aux yeux de la majorité des Français, nous avons rencontré des militants de Ma Voix.

Ceux qu'on appelle les « petits partis » et autres mouvements qui se présentent aux élections proposent pour certains des modes alternatifs de fonctionnement de la société qui ne s'adaptent pas toujours au mode de scrutin en place. Habitué aux hommes providentiels, le système électoral arbore la plupart du temps des figures auxquelles les électeurs s'attachent plus qu'au programme. La tâche est plus compliquée pour ceux qui veulent faire passer une vision de la société plutôt qu'un programme porté par quelques hommes.

A ce titre, Ma Voix, ce rassemblement de citoyens présent aux législatives de 2017, a fonctionné comme une expérimentation politique et sociale, cherchant une approche plus démocratique de la société. Son but : faire élire des candidats à l'Assemblée Nationale qui seraient chargés de voter les lois en fonction des résultats d'un sondage de citoyens réalisé sur une plateforme web. Si les militants Ma Voix prônaient une forme de démocratie plus directe, ils ont dû trouver un système qui permettrait de mettre en place une démocratie directe dans un système qui selon eux ne laisse pas de pouvoir décisionnel aux citoyens.


Cela explique en partie une des raisons pour lesquels la variété démocratique présente durant les élections se réduit hors période électorale. « Ma Voix n'est pas un parti mais un ensemble de citoyens en mouvement. Il n'y a donc pas de mission prédéfinie ou de programme comme il pourrait y avoir dans un parti. Ainsi ces citoyens ne sont pas toujours en mouvements, ils ont été présents pendant les législatives pour montrer que ce système de démocratie directe pouvait fonctionner. Mais s'il n'y a pas de nouveau projet en cours alors il n'y a pas de vocation à s'étendre et gagner des adhérents comme le font les partis » nous dit un militant de Ma Voix. Ce type d'organisation politique peut donc s'arrêter de fonctionner hors période électorale, à l'inverse d'un parti qui lui a besoin de continuer à prospérer pour gagner des adhérents. Ils n'ont pas non plus d'agenda ou de mission. « On verra à l'arrivée des européennes ou des locales s'il y a besoin de créer de nouveaux projets. »

En outre, ce « candidat aux élections », si on peut parler en ces termes, peut revivre à n'importe quel moment puisqu'il ne s'agit pas de monter un parti comme on crée une entreprise, mais plutôt de faire vivre une idée. «Le but était à la fois de partager notre vision de la politique, mais aussi d'envisager une élection, car il s'agit de la concrétisation de notre vision d'une société plus démocratique. On voulait prouver que les citoyens peuvent participer au vote des lois. A n'importe quel moment l'idée pourra être reprise car elle n'appartient à personne. C'était une expérience qui nous a beaucoup appris, sur le fonctionnement horizontal notamment. Aujourd'hui c'est donc plus l'héritage de cette expérience qui a été transmis et sera réutilisé peut-être par d'autres associations. » . La conclusion de cette expérience a été rédigée en compte rendu qui sera publié sur le site de Ma Voix.



Des partis au fonctionnement traditionnel qui s'effacent hors période d'élection : le manque démocratique français


Si, comme Ma Voix, certains mouvements politiques disparaissent après les élections à cause de leur mode de fonctionnement unique, il n'en est pas de même pour les autres partis au fonctionnement plus traditionnel. Solidarité & Progrès, Union Populaire Républicaine, ça ne vous dit rien ? Pourtant, ces partis étaient présents dans les listes électorales des dernières présidentielles. Aujourd'hui, pas d'actualité ou de prise de parole dans les médias. Cette disparition est symptomatique du système des partis en France. Que se passe-t-il pour ces « petits partis » après les élections ?


En fait, les candidats aux présidentielles sont remboursés de leur frais de campagne s'ils ont obtenus au moins 5% des voix. Du coup pour les dernières présidentielles, ça représente seulement 5 candidats sur 11. Pas étonnant que les « petits partis » demeurent petits s'ils ne sont pas financés à même hauteur que les autres. Par la suite, cet écart se poursuit dans la vie des partis : au long de l'année, selon la loi du 11 avril 2003, les partis politiques peuvent recevoir des financements publics. Mais ce financement par l’État est accordé selon deux grands critères : il faut que le parti en question ait obtenu 1% des voix dans au moins 50 circonscriptions aux législatives, et qu'il ait un certain nombre de parlementaires. Autant dire que peu de partis atteignent un tel résultat.


Dans un pays qui se présente comme défenseur de la démocratie, tous les partis ne sont pas pareillement favorisés, et ne reçoivent donc pas la même visibilité. Pourquoi est-ce si important que les partis aient un financement égal qui leur permette d'assurer leurs activités ? Parce que sans ce financement, il est compliqué d'assurer les réunions de partis pour redessiner le programme et faire un agenda, la distribution de tracts, parfois la création d'un média du parti (site web, journal, etc.) pour assurer la diffusion des idées, le collage d’affiches, l'organisation de meetings, etc.


Ces écarts de traitement entre les partis amène à questionner le système démocratique, et la place des partis à l'intérieur de celui-ci. La démocratie, ou étymologiquement «le pouvoir du peuple», se caractérise par la participation des citoyens à la vie politique, c'est-à-dire la pratique du pouvoir et l'organisation de la société. Dans ce cadre-là, les partis représentent les idées et sont vus comme l'intermédiaire entre le peuple et l’État. Avec ce fonctionnement, les citoyens sont amenés à faire de la politique à travers les partis. La place des partis semble essentielle.

Certes, on peut faire de la politique sans passer par les partis, à travers les milieux associatifs, en gérant une communauté, en parlant de politique et intéressant son entourage à la politique, en soutenant des idées chères à nos cœurs et en les appliquant dans son quotidien, puisque c'est le principe même de « faire de la politique » : tenter d'appliquer des idéaux partagés par plusieurs à l'échelle de la société (sur ce point, la revue Lien Social et Politiques a fait paraître un numéro sur les diverses formes de la politique dans le quotidien des citoyens, en libre accès ici ). Certes, une société peut fonctionner sans politique et donc sans parti. Le problème, c'est qu'étant donné que la politique est aux mains des autorités en France, on se retrouve obligés en quelques sortes de passer par les partis et par le système pour atteindre les autorités, qui sont les seules à pouvoir prendre des décisions légales. La survie et la visibilité des « petits partis » est donc essentiel pour le maintien de la vie politique française telle qu'elle est aujourd'hui.


Annabelle Bindl

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