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  • Elvire Colin-Madan

Drones et audiovisuel : entretien avec Drone Hive


Les drones prennent une place de plus en plus importante dans notre société. Dans les représentations de mondes futuristes, on les voit voler à travers les buildings et devenir des vrais robots du quotidien. Qu’ils soient utilisés à des fins militaires, professionnelles ou privées, les drones font partie de notre présent comme de notre futur, grâce aux avancées technologiques qui vont nous permettre de les perfectionner.


Cette semaine, j’ai décidé d’interviewer Matthieu Micheletti, le co-fondateur de Drone Hive, une jeune start-up technologique dans le secteur du drone civil. Cet ingénieur en mécanique a suivi un parcours traditionnel avant de travailler dans ce milieu. Après un bac S, une prépa et une école d’ingénieur, il travaille en tant qu’ingénieur informatique pendant 3 ans avant de lancer sa propre entreprise. Il avait 27 ans quand il a démarré le projet de création de sa start-up à et en a aujourd’hui 31. L’histoire de Drone Hive commence quand, avec un associé, ils décident de lancer une entreprise. Ils ont travaillé à 30% pendant 3 ans et demi, puis ils l’ont créée entièrement il y a deux ans, en février 2016. L’organigramme de l’entreprise est simple : il y a les deux associés, ainsi que 2 stagiaires (généralement) qui changent selon les périodes. Forcément, quand on est jeune entrepreneur et qu’on a de grands rêves, on est parfois déçu parce que les choses ne sont pas comme on les imaginait. Si leur projet technologique n’a pas trop bougé depuis le début, Matthieu Micheletti rajoute cependant, « on n’est pas encore aussi développé que ce qu’on l’avait envisagé, ça nous prend beaucoup plus de temps que ce qu’on avait prévu ».


Le drone est un objet technologique qui évolue sans cesse. Matthieu Micheletti nous en donne une définition : « un appareil volant qui n’a pas de pilote à bord : tout ce qui décolle du sol par la volonté humaine mais sans qu’il n’y ait un humain à bord pour piloter : tout sera piloté à distance. » Aujourd’hui, et toujours d’après lui, le drone est « utilisé à 99,9% en tant que point de vue aérien qui donne une perspective différente sur une scène, une zone entière etc. Dans ces 99,9%, 80 sont pour la prise de vue artistique (à savoir la pub, le cinéma, ou encore toute production audiovisuelle) et les 20% restants sont consacrés à l’activité industrielle ». Il faut rajouter qu’il y a quand même d’autres applications qui ne sont pas encore développées, comme l’analyse de la qualité de l’air ou encore le transport de colis dans des zones urbaines qui arriveront bientôt dans nos vies.


Le drone va se développer et se démocratiser. En ce qui concerne le secteur privé, le drone est utilisé à des fins purement audiovisuelles (pour prendre des images ou se filmer), généralement « dans des environnements privés et avec des points de vue dont nous n’avons pas l’habitude » précise Matthieu Micheletti. Selon lui, les drones sont déjà assez développés dans ce milieu et on peut facilement « trouver des micro-drones à 50 euros, pour faire de la vidéo amateur ou ce genre de chose. » Cependant, en ce qui concerne les drones professionnels, ce sont des montants et des machines qui ne sont pas les mêmes. Il rajoute « je pense que l’utilité des drones va se diversifier dans les années à venir […] ça va devenir de plus en plus commun, mais par contre il y en aura de plus en plus dans l’industrie. Il y a notamment des applications, qui sont éloignées du grand public pour des raisons de sécurité, et qui travaillent beaucoup dans les zones rurales, les secteurs agricoles. Dans quelques années, le drone va s’inviter dans les zones urbaines et se rapprocher beaucoup du public. Le public verra des drones en activité plus souvent dans les zones urbaines par exemple. »


« L’objectif de Drone Hive c’est d’utiliser des drones pour faire de la récolte d’image aérienne de façon entièrement automatique. On ne fabrique pas de drone, on utilise des drones dans des ruches pour drone pour faire de la prise de vue automatique » me dit-il. Il souligne, « les ruches sont des bases permettant d'abriter les drones. Ils peuvent décoller à la demande, y atterrir et s'y recharger automatiquement. » Récemment, leur entreprise a travaillé avec de gros clients, essentiellement des grands groupes industriels comme Bayer ou Nokia. L’utilisation des drones dans l’entreprise va permettre, sans pilote sur le terrain, une utilisation dans des complexes où on en a besoin pour une utilisation quotidienne et hebdomadaire. L’entreprise va par exemple réaliser des inspections régulières sur des sites industriels, surveiller en continu une zone militaire à haute sécurité, ou encore une zone de production d’énergie avec des centrales nucléaires. « Ce qu’on fait c’est de la récolte de photos ou vidéos très haute définition » précise le co-fondateur de Drone Hive. Les images sont pour la plupart classiques, en haute qualité. D’autres types d’images sont cependant possibles, comme les images infrarouges. Et parfois les drones sont dotés de capteurs très spéciaux comme pour le domaine de l’agriculture par exemple.



Extrait de la vidéo « Décollage et atterrissage automatique pour une mission de surveillance », mis en ligne sur Youtube par Drone Hive le 29 aout 2017 (https://www.youtube.com/watch?time_continue=14&v=s7hxid0ErL0)


La question des images récoltées et de leur futur peut se poser. Que se passe-t-il une fois ces nombreuses images et vidéos récoltées ? Qui peut les voir ? Matthieu Micheletti me répond « Tout dépend de pour qui on travaille. Quand on travaille pour un client qui nous demande de récolter des données, en général, à la fin, le client récupère les données qu’on a récoltées pour lui et nous n’y avons plus accès. » Il complète « Il [le client] garde la propriété des images et il n’y a que lui qui peut en faire ce qu’il veut. On n’a pas le droit de les garder. » Toujours concernant les lois sur les images, Amandine Vole, doctorante en droit à Aix-Marseille Université précise « qu’il n’existe aujourd’hui aucune loi qui interdise de filmer ou de survoler les propriétés privées, que ce soit en ville ou à la campagne. Le droniste doit seulement assurer la sécurité des personnes et des biens au sol. La loi protège cependant la vie privée et les données personnelles. Il est par exemple interdit de prendre ou de transmettre l’image d’une personne qui se trouve dans un lieu privé sans son autorisation. Pour éviter toute atteinte, les professionnels doivent donc s’assurer que l’on ne puisse pas reconnaître les personnes filmées ou prises en photo à l’aide d’un drone. En pratique, on floute les personnes, les plaques d’immatriculation ou les adresses qui pourraient apparaître. La collecte, le traitement et la conservation de données personnelles doivent aussi respecter des principes simples tels que définir l’objectif de la collecte, la limitation de la durée de conservation des données ou encore la prise de mesures pour assurer la sécurité des données. Le vrai problème est que les drones offrent une nouvelle forme de liberté par rapport à la prise d’image : ils facilitent l’observation et compliquent la protection. » Dans le milieu privé, l’une des grandes problématiques c’est de savoir quand et où tu as le droit de faire voler ton drone.


Pour terminer cet interview, je lui ai demandé ce qu’il pensait de l’utilisation militaire du drone. Pour lui, en terme d’utilisation militaire : il y a trois problématiques. « La première, c’est l’utilisation militaire pour la récolte de données. Pour moi, là c’est dommageable : on utilise un robot pour prendre des images à distance, mais on n’intervient pas sur le terrain, ça reste assez neutre. Le deuxième niveau : c’est l’utilisation qu’en ont fait les américains à l’heure actuelle, au Moyen Orient. Un pilote qui est à des dizaine de milliers de kilomètre peut piloter un drone d’attaque et va bombarder des cibles sur un autre continent. La problématique c’est le détachement entre l’humain et la scène de guerre qui fait qu’en fait le pilote dirige un drone comme s’il était dans un jeu vidéo et émotionnellement, on est plus du tout dans un rapport au conflit armé comme on l’était avant. L’armée américaine a d’ailleurs eu pas mal de problème par rapport à ça. Humainement c’est très difficile à gérer et à justifier. Le dernier niveau, qui en ce moment se discute, c’est la fabrication de drones qui sont un peu pilotés par des humains mais qui prennent toutes les décisions tout seul. Ce sont des robots dotés d’une intelligence artificielle qui font qu’ils vont prendre la décision de tirer dans un conflit. De mon point de vue, moralement ça ne se justifie pas : il n’y a pas à avoir un ordinateur qui prend la décision de tuer un humain. » Les débats sont nombreux concernant l’utilisation des drones en secteur militaire.

Et au-delà de la question du droit des images se pose de nouveau la question de la relation humain-robot ; une relation complexe qui n’a pas fini d’évoluer.



Pour en savoir plus sur l’entreprise :

  • http://dronehive.fr


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