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  • Elvire Colin-Madan

Univers carcéral en France : on en est où en 2018 ?


Faire un point sur l’univers carcéral en France m’est venu en tête lorsque je lisais des articles sur l’affaire Cahuzac et sur sa « peur d’aller en prison ». Il faut rappeler que fin 2012, Mediapart l’accusait d’avoir des comptes à l’étranger. Jérôme Cahuzac qui, à l’époque, affirmait « Je n’ai pas, je n’ai jamais eu de compte à l’étranger, ni maintenant ni avant. », fut accusé en 2016 de fraude fiscale, après avoir caché 3,5 millions d’euros aux impôts, sur un compte en banque en Suisse. L’affaire est longue et le procès paraît sans fin, mais pour l’instant, Jérôme Cahuzac est condamné à 3 ans de prison, alors qu’il risquait une peine de 7 ans. Si sa peine de prison était réduite à 2 ans, alors, il pourrait éviter la prison. C’est donc cette réduction de peine que cherche à obtenir depuis quelques années, son avocat Éric Dupond-Moretti. En effet, Jérôme Cahuzac a exprimé lors de son premier jour de procès « Je ne souhaite pas que ma mère et mes enfants me voient aller en prison », et il ajoutera avoir « peur, comme tout le monde j’imagine ». Près de 6 ans après les premiers faits, l’affaire est toujours en cours. Toutefois, les politiques sont mieux traités en prisons en comparaison des autres détenus. Lorsqu’ils sont incarcérés dans des prisons communes, ils sont séparés et ont de meilleures conditions de vie (cellule plus grande, plus propre et souvent individuelle, ou encore heure de promenades aménagées et plus de visite).


La définition de prison est la suivante : c’est un « lieu de détention, un établissement pénitentiaire clos, aménagé pour recevoir des individus condamnés par les tribunaux à une peine les privant de liberté ou des prévenus en instance de jugement »[1]. Le plus important dans cette définition, est le concept de « privation de liberté » ainsi que celui d’un lieu « aménagé pour recevoir les individus condamnés ». Privés de liberté, les condamnés le sont. Cependant, le deuxième concept, celui d’un lieu aménagé, n’est pas souvent respecté : les prisons actuelles françaises débordent, et elles ne sont absolument pas adaptées à recevoir autant d’individus. Comme on peut le lire dans un article du journal lemonde.fr[2], « Au 1er février 2018, les prisons françaises hébergeaient 69 596 détenus, pour une capacité totale de 59 765 places, soit un taux d’occupation de 116 %. Cela veut dire qu’il y a 116 détenus pour cent places de prison en moyenne. » En France, nous faisons partie des pays européens avec les moins bonnes conditions d’emprisonnement. On peut alors se poser plusieurs questions concernant cette surpopulation : est-ce une question d’espace qui devrait s’agrandir ? Ou bien est-ce une question de justice mal rendue ?


Si le nombre de condamnés de prison ne baisse pas, alors ce sera aux prisons de s’agrandir car les conditions de vie dans celles-ci sont désastreuses. Plusieurs choses peuvent être revues pour améliorer les conditions. Il n’est pas question ici de transformer la prison comme un hôtel de luxe 5 étoile, mais de traiter les prisonniers comme des humains et donc de les respecter. L’hygiène dans les prisons est presque inexistante : la propreté des locaux est bien trop souvent négligée, et il y a par exemple la présence de rats. La liberté de mouvement et d’expression dans l’espace est réduite elle aussi : certains prisonniers n’ont qu’une seule heure de promenade par jour et 23h à passer dans leur cellule si les repas leurs sont amenés. L’espace personnel de l’individu ainsi que son intimité sont réduits. Toujours dans ce même article, nous pouvons lire plus loin « Selon les chiffres du ministère de la justice, au 1er août 2016, seulement 39 % des détenus dormaient en cellule individuelle. Le ministre souhaite voir ce chiffre atteindre 80 % en 2023. »


Mais alors, qu’en est-il de ce ministère qui voudrait voir changer ces conditions ? Pour l’instant, il n’y a pas grand-chose qui a bougé. Macron dans son programme pour l’élection présidentielle annonçait que « la prison ne doit pas être l'unique peine, car elle n'est pas toujours la plus efficace ». Il a donc proposé une nouvelle réforme le mardi 6 mars, concernant une refondation du système des prisons en France pour lutter contre la surpopulation. Cette dernière sera normalement présentée en conseil des ministres le 11 avril avant d’être revue par le Parlement durant l’été. Pour lui, les peines d’un mois sont inutiles et elles seront interdites à prononcer. Celles de moins de 6 mois, devront être réalisées hors-prison, en réalisant des TIG (travaux d’intérêts généraux) par exemple, mais avec une plus forte surveillance. Ces TIG seront mis en place dans la perspective de réinsérer les individus condamnés à la vie active, ou du moins de ne pas les en couper. D’une certaine manière, Macron ne veut pas agrandir les espaces carcéraux car pour lui cette surpopulation est plus une question de justice.


Toutefois, cette réforme est aussi très critiquée : par exemple, une autre question qu’elle aborde c’est celle de la mise à exécution directe des peines, une fois celles-ci prononcées. Or, si ce principe est respecté, il y aurait en quelque mois « une explosion du système carcéral ». Maintenant que certains engagements ont été pris, il faut attendre le résultat des actions qui seront sûrement mises en place rapidement. La situation des prisons est beaucoup trop instable pour prendre le temps de faire passer des réformes qui ne fonctionneront pas. C’est pourquoi, certains critiquent cette réforme car elle est trop centrée sur la justice, alors qu’il faudrait par exemple plutôt se concentrer sur les bâtiments qui tombent en ruines, ou encore sur les nombreux problèmes cités ci-dessus. Cependant, la présidente de l’Observatoire international des prisons-section française, souligne tout de même un engagement du président de la République qui va « allouer des crédits d’entretien suffisants pour rénover un parc vétuste et insalubre, augmenter les activités pour que les personnes détenues en maison d’arrêt ne soient plus cloîtrées 22 heures sur 24 en cellule, créer un droit du travail aménagé, ou encore permettre aux détenus d’exercer un droit basique, élémentaire, la participation électorale. »[3].


Outre cette réforme, il y a aussi des solutions qui ont été mises en place mais dont on ne parle pas forcément. Une des plus connues est le bracelet électronique, un système mis en place en 1997. Mais il reste assez peu utilisé car inefficace sur le long terme et n'est pas encore totalement développé, même si le système a été quelque peu informatisé depuis ses débuts. Le bracelet est proposé pour des condamnés de courte peine. Il limite leurs déplacements, mais leur permet de rester insérés dans la société, en gardant par exemple leurs emplois. Il y a en France environ 10 700 personnes qui sont équipées d'un bracelet électronique. On peut aussi ici parler de la loi du 14 août 2014, soutenue par Christiane Taubira mais qui fut très critiquée à l’époque. Dans cette loi, il est suggéré de « poser des interdictions et des obligations à un condamné pendant une durée de six mois à cinq ans […] assorti d’un suivi régulier et d’un contrôle annuel des obligations. » Ce procédé est appelé la contrainte pénale ou « peine en milieu ouvert ». Il prône, comme la réforme de Macron, la responsabilité du condamné et son intégration dans la société, tout en le contraignant à des suivis, ce qui lui permet aussi de se remettre en question. Pour revenir sur les TIG, c’est une solution qui reste coûteuse : même si le travail est en bénévolat, il faut l’encadrer. De plus, il ne faudrait pas non plus que les entreprises en abusent en donnant trop de tâches aux condamnés. Il faudra donc bien surveiller ces TIG, ce qui demandera un peu plus de personnel. Enfin, quelques prisons ont mis en place un «module respect » qui propose aux détenus plus de responsabilités : par exemple, ils ont les clés de leurs cellules et peuvent circuler dans l’enceinte de l’établissement. Seulement, s’il donne plus de liberté, il y a des conditions très strictes à respecter. Les détenus doivent participer à la vie collective de la prison et effectuer 25 h d’activité par semaine. Un rendez-vous semainier avec des commissions à lieu pour vérifier que tout fonctionne et si ce n’est pas le cas, si un détenu enfreint une condition, il est exclu du module. Alexis un détenu interviewé par France Info affirme « On retrouve un peu de dignité, parce qu'en détention normale, on est enfermé 22 heures sur 24 ». (Pour retrouver cette vidéo : ici)



[1]http://www.cnrtl.fr/definition/prison


[2]http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/09/20/surpopulation-carcerale-la-france-a-la-traine-en-europe_5000876_4355770.html


[3]http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/03/08/delphine-boesel-sur-les-prisons-au-dela-des-mots-nous-attendons-des-actes_5267321_3232.html#1OJwoAvVJpAAmBMD.99

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